Tentation

Tentation

Comment font-ils pour ne pas voir ? Ne pas avoir compris ce qui se trame ? L’ignorent-ils vraiment ?

Elle est si présente, pourtant, cette tension, là, dans l’air. Entre toi et moi.
Je pourrai presque apercevoir d’érotiques volutes, d’un rose moite, lascif, délicieusement pesantes. Caresses de plumes, lourdes de sens.

Pourtant ils sont là, les déjà conquis, naïvement juste à côté de nous, et nous discutons de tout et rien, innocence de surface.
Parfois quand nos yeux se croisent, je le vois bien, soudain, ton regard qui s’embrase. Il me donne une impression furtive de disparition des autres.
Ces parfois-là, où je nous sens seuls au monde, les pulsions m’élancent en grisant supplice. J’ai envie d’accrocher ton bûcher, de l’aggraver, contourner doucement la table, minauder, te chevaucher, te faire taire de ma langue et nous emporter d’enivrantes luxures.
Oui, ces parfois-là me réveillent les bas instincts : d’ouvrir la chasse.

Mais… C’est formellement prohibé.
C’est frustrant, c’est vrai, nous resterons tentation.
A défaut de se découvrir sous le tissu, profitons, insolents et silencieux, de cet espace de jeu infini d’exploration. Nos interdites envies ne pourront cesser : non-consommées non-consumées. Nous pouvons nous torturer, encore et encore.

Moi, bourreau, je veux rire de tes blagues à gorge déployée en te touchant le bras. Te caresser le dos pendant la bise du bonjour. Coller mon corps au tien pour celle du au-revoir. Toucher tes doigts à chaque fois que je te passe un plat. Te frôler des tétons quand je me faufile derrière toi. Me mordre les lèvres pendant que tu me parles… Y passer la langue… Et une fois de plus, t’embraser les yeux. T’en faire perdre le verbe, troublé. Te voir te dandiner sur la chaise, un peu trop à l’étroit dans ton pantalon. Sentir comme ça m’humidifie.
D’accord, c’est vrai, si l’alcool m’en donne le courage, il arrive que j’outrepasse un peu quelques limites, laissant mes mains partir en exploration discrète sous la table, tester tes frontières, autant physiques que morales, évaluer ta pression...
Pour mieux faire semblant qu’il ne s’est rien passé la minute suivante, l’éthylique a bon dos.

C’est amusant comme, démangés l’un de l’autre, nous sautons chaque fois sur la moindre occasion de se croiser, d’une balade, d’un dîner… Chaque organisation de moment « entre amis » s’accompagne d’un rictus non-contenable et d’une divine chaleur, là, au creux de mon ventre et entre mes cuisses.

Tu sais, avant les fois où l’on doit se voir, quand je me prépare, de petits rituels personnels se sont mis en place naturellement.
Ils sont rendus comme des préliminaires.
Je m’isole pour goûter à fond à l’excitation de l’idée que tu arrives bientôt.
Préparer mon corps, le sublimer au mieux : Je veux me rendre attentable au possible. Tout en sachant, qu’attentat, il n’y aura pas, tu es bien trop sage pour le vrai écart, mais je t’en ferai crever d’appétit.

Le bain coule, pas trop chaud, je m’ébouillante déjà trop. Et pendant ce temps, je m’amuse à chercher la tenue : une qui serait bien assez passe-partout aux yeux des autres tout en réveillant l’intérêt de celui qui regarde vraiment. L’impudique subtil. Le simple t-shirt qui glisse discrètement sur une épaule dénudée - indice de non-sous-vêtements - et accentue au passage le dégagement de la nuque. Peau laissée à la merci du moindre courant d’air frisson créateur de relief tétons.
Spectacle que tu peux aussi apercevoir à la fraicheur matinale, quand nous partons tous en week-end, et que j’ai choisi de prendre mon « pyjama » fétiche : rappelle-toi, ce débardeur blanc, un peu court et transparent… celui qui est accompagné d’un mini-shorty laissant apparaitre mes parties de pommes prêtes à être croquées.
J’aime tellement te surprendre lever le nez de ton café et me déshabiller du regard, parfois discrètement, d’autre fois complètement hypnotisé de désir. J’ai l’impression de ressentir tout ce que tu imagines me faire à cet instant. Et ça me pulse dans le shorty, je dois m’éclipser, trempée, pour me calmer seule sous l’excuse de la douche. L’arroseuse arrosée…

Le bain est prêt.
Comme pendant ces matin-là, le pommeau devient ta langue, ma main gauche la tienne, ma droite ton sexe. Je me demande souvent si tu ressens comme je pense fort à toi, si les violentes ondes de mon orgasme t’atteignent, si mon plaisir peut à distance allumer le tien.

Je finis toujours mes rituels en me caressant le corps entier d’une crème que j’ai créée. Un produit naturel aux plantes secrètes. Une fragrance que personne d’autre ne porte mais que ton nez peut identifier parfois, au détour d’une balade en pleine nature. J’aime imaginer que tu te mettes alors à penser à moi sans trop savoir pourquoi, à devoir trouver un coin d’arbre pour pouvoir me fantasmer sauvagement. Ce parfum, c’est un sort que je te jette.

La sonnette retentit. Vous êtes là.
J’ai envie de toi avant même que tu passes la porte.
Le jeu continue.

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